La chromolithographie du verre et des vitraux
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Lithography and Lithographers, 1915 |
L'allemand Aloys Senefelder (1771-1834) inventa la lithographie en 1798 et réalisa les premiers essais en couleur. Mais c'est le français Godefroy Engelmann (1788-1839) qui fît breveter la technique et lui attribua le nom de chromolithographie. Le principe d'impression par pierre de calcaire lisse pouvait enfin fournir un tirage en quantité et en qualité.
Le succès fut instantané. Les images en couleurs se répandirent partout dans les publications, les cartes, les étiquettes, les calendriers et les affiches. Une pléiade d'illustrateurs émergea pour produire des images et parmi eux, des artistes de renom tel Henri de Toulouse-Lautrec ou encore Alfons Mucha.
Aux États-Unis, on attribue à l'imprimeur réputé Louis Prang (1824-1909) l'impression par chromolithographie de la toute première carte de Noël en 1875. À son apogée, Prang & Co. Art Publishing House de Boston produisait jusqu'à 5 millions de cartes par année. Dans la ville même où la fête de Noël avait été bannie 200 ans plus tôt par les Puritains !
Les chromos: entre publicité et encyclopédie
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Center for Jewish History, NY, Wikimedia Commons |
À partir de 1880, un produit imprimé connut une popularité exceptionnelle et inusitée: les chromos ou “Victorian Trade Cards” en anglais. Ce sont de petits cartons d'environ 7 x 10 cm utilisés à des fins publicitaires, comportant une illustration sur une face et un texte au verso. Les images étaient créées sur mesure pour l'annonceur ou encore, on utilisait une image générique à laquelle le commerçant ajoutait son nom à l'aide d'un tampon.
Les magasins Au Bon Marché et les produits de viande Liebig étaient de grands émetteurs de ces chromos en France. Les chocolateries Poulain, Guérin-Boutron, d'Aiguebelle, du Planteur, Louit, Payraud, Suchard utilisaient aussi les chromos. On les glissait dans les emballages. Aux États-Unis, les chromos étaient distribués par une multitude de petites entreprises. On les donnait dans les magasins avec ou sans achat ou encore aux passants dans la rue.
Si aux États-Unis les chromos ont largement conservé leur seule fonction publicitaire, en Europe, vers 1900, les cartons illustraient beaucoup plus que des images esthétiques ou des scènes de la vie quotidienne. Ils couvraient des sujets variés à propos de l'histoire, de la géographie, des industries, des sciences, des arts, etc. Atlas populaire d'une société en pleine révolution industrielle, les chromos devenaient des objets de collection.
On les vendait alors par série, on les échangeait dans les annonces classées, on publiait des catalogues pour répertorier les différentes émissions. L'entreprise londonienne Liebig a publié à elle seule plus de 11 000 chromos différents en 12 langues et ce, jusqu'en 1973.

Chromo en langue allemande du supplément de fer de Brown Chemical Co, Baltimore, MD
(The University of Iowa Libraries)

La noix de coco de Dunham Manufacturing Co, St. Louis, MO

Le savon à lessive Pearline de James Pyle, New York, NY

Le fabricant de fil et de laine Belding, le détaillant apposait son adresse au verso
Le verre et le vitrail
Quelques chromos présentent l'industrie du verre. D'autres illustrent des vitraux, mis en scène ou encore, à propos de leur confection. Liebig en a publié une douzaine à ces sujets. Le chimiste allemand Justus von Liebig (1803-1873) est considéré comme étant le fondateur de la chimie organique. Ses travaux ont porté sur l'agriculture et les fertilisants. En outre, il a inventé le miroir à endos argenté tel qu'on le connait aujourd'hui. Il était un professeur remarquable par sa méthode d'enseignement en laboratoire. Est-ce de cet esprit que la transformation du célèbre carton publicitaire en outil pédagogique est née ?
Quoi qu'il en soit, voici donc une sélection de chromos du verre et du vitrail:
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Serge Rodrigue, collection privée |
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Héraldie - heraldie.blogspot.ca |
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Héraldie - heraldie.blogspot.ca |
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Serge Rodrigue, collection privée |
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Serge Rodrigue, collection privée |
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Serge Rodrigue, collection privée |
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Serge Rodrigue, collection privée |
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Spirits Revealed - spiritsrevealed.com |
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New York Public Library |
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Serge Rodrigue, collection privée |
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Miami University Libraries |
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Serge Rodrigue, collection privée |
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Serge Rodrigue, collection privée |
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Spirits Revealed - spiritsrevealed.com |
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Serge Rodrigue, collection privée |
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Spirits Revealed - spiritsrevealed.com |
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Spirits Revealed - spiritsrevealed.com |
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Serge Rodrigue, collection privée |
Une idée qui ne veut pas mourir
L'arrivée de l'automobile entraîna la baisse des tarifs postaux et par conséquent, l'élargissement de l'offre publicitaire. Les chromos étaient en déclin. Passé 1930, les presses modernes étaient rapides et peu coûteuses et surtout, elles imprimaient les photographies, donnant ainsi naissance au magazine. Ce fut la fin pour les vieilles pierres lithographiques.
L'idée des cartes à collectionner n'a toutefois jamais disparue. Les cartes de joueurs des sports professionnels, des super-héros des bandes dessinées et récemment, les cartes réelles ou virtuelles des jeux vidéos assurent le bonheur des enfants petits et grands.
sources:
Elizabeth Robins Pennell, Joseph Pennell, Lithography and Lithographers, Unwin Publisher, London, 1915
New England Historical Society, Louis Prang, Father of the American Christmas Card, Santa Claus of American Art
Harvard Business Schools, The Art of American Advertising: Trade Cards
James Campbell Brown, A History of Chemistry from the Earliest Times, Blakiston's Son & Co., Philadelphia, 1920
collections d'illustrations:
Victorian Trade Cards Collection, The University of Iowa Libraries
The Charles and Laura Dohm Shields Trade Card Collection, Miami University Libraries
Cigarette Cards Collection, New York Public Library